Résumé :
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Depuis deux siècles, la poussée démographique et les développements industriels et agricoles provoquent un profond déséquilibre des cycles biogéochimiques de la planète. La vie est dépendante d'un grand nombre des éléments de la classification périodique. Certaines parties du cycle biogéochimique de ces éléments ont été explorées et une connaissance approfondie des mécanismes qui les font intervenir dans certains processus biologiques a été acquise : comprendre comment les éléments chimiques voyagent d'un règne à un autre permettra de déterminer une nouvelle approche de la nutrition, de la santé, de l'environnement et du climat. L'Académie des sciences a mené une réflexion multidisciplinaire pour établir l'état de l'art en ce domaine, tant du point de vue des connaissances fondamentales que de celui de la recherche et de ses structures. Ce rapport décrit plusieurs problèmes biogéochimiques en fonction de leurs impacts actuels sur la société ; production de CO2 en relation avec l'évolution du climat, pollution d'origine industrielle et agricole en relation avec la dégradation des sols et des eaux, en incluant les conséquences d'ordre toxicologique, les phénomènes de phytoremédiation, etc. L'étude est concentrée sur la biosphère fonctionnelle, celle où se développent des êtres vivants au sein d'écosystèmes bien déterminés mais variés. La biosphère considérée ici est avant tout superficielle, continentale et, à moindre titre, océanique. Cela implique de prendre en compte tout ce qui a trait à la matière organique, présente dans les sols et les sédiments, qui constituent l'interface géochimique entre l'inerte et le vivant et où les micro-organismes jouent un rôle prépondérant. Le rapport s'articule en une première approche par éléments, puis une approche des milieux, qu'ils soient peu ou fortement anthropisés. La troisième partie traite des secteurs de recherche à développer ; elle est complétée par une argumentation en faveur de la modélisation et du développement de réseaux d'observation de longue durée. Cette étude est justifiée par la nature d'un sujet très vaste, bien qu'ici volontairement délimité. Elle apporte un éclairage scientifique argumenté sur un sous-ensemble de la question générale de la connaissance de l'environnement et du cadre de toute vie sur la Planète. Le Conseil interministériel de la recherche et de la technologie a confié à l'Académie des sciences la mission d'établir un état biennal de la Recherche et de la Technologie, qui identifierait, dans un esprit d'aide à la décision, les défis scientifiques à relever dans un contexte international. Déjà vingt-six ouvrages ont été publiés au titre de cette collection et remis au ministre chargé de la Recherche. L'environnement sur la planète Terre et son évolution sous l'influence des activités humaines sont devenus des préoccupations majeures pour les citoyens et des gouvernements. La part des arguments scientifiques est, d'emblée, apparue comme essentielle, tant comme donnée étayant les diagnostics que comme base pour les solutions destinées à remédier aux effets néfastes de ces activités. La communauté internationale s'est fortement structurée et, à l'initiative de l'ICSU (Conseil international pour la science), des programmes de recherche ont été lancés, comme le Programme mondial de recherche sur le climat (WCRP) et le Programme international géosphère biosphère (IGBP), dont les résultats sont synthétisés par le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'évolution des climats (GIEC, ou IPCC). Le rôle de la communauté française y est important. L'Académie, en créant dès 1989 un «Comité permanent de l'environnement» a prêté une particulière attention à ce domaine. La liste complète des rapports de l'Académie ayant trait aux questions environnementales est donnée à la fin de cette préface. Parmi les premiers travaux, l'effet de serre, la pollution des nappes d'eau souterraines, le comportement de l'ozone dans la troposphère et dans la haute atmosphère ont été explorés. Par la suite, citons entre autres, des rapports sur l'impact de la flotte aérienne et sur la gestion des déchets. Parallèlement, des études ont été conduites sur l'évolution de différents milieux : on retiendra l'évolution des réserves vivantes océaniques et les eaux continentales. Le sujet des cycles biogéochimiques et écosystèmes continentaux correspond à la prise de conscience encore plus aiguë de la valeur de notre environnement mais aussi de sa fragilité. L'Académie avait déjà abordé l'étude de l'impact de quelques éléments traces dans les sols [Contamination des sols par les éléments en traces : les risques et leur gestion. Académie des sciences, 1998, P.H. Bourrelier et J. Berthelin coord. Editions Tec & Doc Lavoisier), ouvrage plusieurs fois cité dans le présent rapport. Avec le présent rapport, une nouvelle étape est proposée. Cette étude, coordonnée par Georges Pedro qui a su réunir des spécialistes nombreux, met en évidence l'importance de ce milieu qu'est le sol et sa fragilité extrême : il est à la base de l'ensemble des échanges entre espèces minéralogiques et chimiques et de leurs bouleversements sous l'influence des variations climatiques. Signalons au passage que toutes les études soulignent le très faible nombre de données sur lesquelles sont construits les modèles qui parlent de l'évolution temporelle en ce domaine. Les dispositifs de relevés des données pendant quelques décennies sont donc indispensables, en particulier en milieux continentaux. A la suite des auditions qui ont été menées, il semble qu'il faille dépasser les simples appréhensions devant le siècle qui s'ouvre, même si elles sont bien compréhensibles, et en modifier l'éclairage.
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